Dagny, La maison Vauquer [Gravure], 1843
Incipit
l’odorat tient une place importante mentionné dès la première ligne par la périphrase « odeur de pension » suivie du verbe « sent » et des noms « le renfermé, le moisi, le rance » (l 2). La gradation, l’hyperbole « pue » (l 3) ainsi que la répétition du pronom « elle » insiste sur le caractère intense et envahissant de l’odeur. Enfin « les atmosphères catarrhales » (l 5) provoquent le dégoût.
Vient le toucher avec la sensation de « froid » et « d’humidité » associée au verbe « pénètre » (l 2-3) pour exprimer sa nuisance puis « la crasse » (l 13), « les buffets gluants » (l 10), « la poussière se combine avec l’huile ». Une nouvelle gradation finissant par des termes péjoratifs amplifie le caractère insalubre des lieux. Le goût évoqué dans l’expression péjorative « un goût de salle où l’on a dîné » (l 3) indique l’écœurement suscité par l’odeur des restes de repas.
L’aspect visuel est rendu par des adjectifs imprécis « indistincte » (l 9) « ternies » « moiré » ( l 11) donnant l’impression d’une pièce où rien n’attire le regard.
Balzac décrit minutieusement la vaisselle, les bibelots et les meubles : buffet, table, chaises, chaufferettes, baromètre, un foisonnement de détails même insignifiants, accompagnés d’un nombre important d’adjectifs précis épithètes qui contribuent à rendre cette description objective. Il utilise des accumulations pour donner l’impression d’un fouillis.
Tout est précisé : les couleurs, l’origine, l’état, les matières. Il adopte même une démarche scientifique lorsqu’il écrit « sans nom dans la langue qu’il faudrait appeler l’odeur de pension » (l 1) ou encore « peut être pourrait-elle se décrire si l’on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires… vieux » (l4 à 6). L’odeur est considérée comme un produit chimique dont on doit trouver la formule.
Mais l’auteur ne peut s’empêcher d’intervenir et d’apporter une note d’ironie. Il interpelle le lecteur pour attirer son attention « Eh ! bien » (l 6) expression familière, utilise deux fois « vous » (l 7) et comme s’il s’agissait d’une visite guidée ajoute « vous y verriez » (l 15). L’oxymore « plates horreurs » (l 6) surprend le lecteur et introduit l’ironie du narrateur qui se poursuit par « salon » « élégant » (l 7) « parfumé » « boudoir » ( l 8) termes raffinés pour un lieu qui en est à l’opposé. Enfin l’ironie est à son comble dans la dernière phrase « une description qui retarderait trop l’intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas » probablement pour répondre aux critiques qui considéraient que la description freinait l’action. Cette longue description retarde certainement l’action mais elle permet au lecteur de comprendre le décor dans lequel se déroule le roman ce qui essentiel pour Balzac.
Il appartient au romancier de découvrir et d’interpréter le lien entre l’environnement et les personnages.
Balzac considère que le milieu dans lequel vivent les personnages est à leur image. Il adhère aux travaux du biologiste Geoffroy Saint-Hilaire et se passionne pour la théorie de la physiognomonie du pasteur suisse Lavater et écrit dans l’avant propos de la Comédie humaine que « l’animal a peu de mobilier, il n’a ni arts, ni sciences ; tandis que l’homme par une loi qui est à rechercher, tend à représenter ses mœurs, sa pensée et sa vie dans tout ce qu’il approprie à ses besoins »
Ainsi la pension Vauquer sera le reflet de ses occupants. La dégradation des meubles annonce l’état des pensionnaires, les adjectifs employés « proscrits » (l 14) peut être une allusion à Vautrin un personnage trouble, « exécrables » (l 16) « estropiées « (l 20) « misérables » (l 21) s’appliquent généralement pour décrire des hommes. La métaphore filée se poursuit par une accumulation d’adjectifs en gradation ascendante « crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant » (l 23). Le mobilier est personnalisé et assimilé à des personnes moribondes. Le mot « hospice » (l 4) associé à « débris de civilisation aux Incurables » fait état d’une grande misère et d’une fin de vie.
Enfin la saleté et l’humidité suggèrent l’avarice de Mme Vauquer qui ne nettoie pas les lieux et ne chauffe que rarement.
La plupart des romans d’Honoré de Balzac commence par une description. Il veut donner au lecteur tous les détails pour présenter un tableau réel, le faire pénétrer dans l’univers de son roman car il connaît l’importance des vêtements, des meubles et des objets et sa description peut être considérée comme réaliste. Mais il ne s’agit pas seulement de peindre, l’essentiel pour lui est d’interpréter, d’aller au delà de la description objective pour laisser libre cours à son imagination créatrice.
Bibliographie
Auteurs français : Honoré de Balzac [en ligne], Skayem, Hady C. Espace Français, 2012 [Consulté le 22 Avril 2018], disponible sur http://www.espacefrancais.com/honore-de-balzac/
Balzac, Honoré - Avant-propos de la Comédie Humaine – Béchet, juillet 1842 (Etude des mœurs)
Le GIRB [En ligne] Ebguy Jacques-David 2016, [Consulté le 15 avril 2018], Groupe International de Recherches Balzaciennes, Disponible sur www.maisondebalzac.paris.fr
Romain Médiaclasse.fr, Balzac, Le Père Goriot - Résumé analyse de l'oeuvre complète, [Vidéo Youtube], 04/09/15 [Consulté le 10 Avril 2018] disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=59bsBUAlWdc
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